L'essentiel à retenir
Qu'ils soient financiers, familiaux, géographiques ou de santé, les impératifs constituent un pilier essentiel qu'il faut intégrer dans sa réflexion professionnelle. Comment parvient-on à identifier le travail qui répondra à ses impératifs ? Comment dissocier un impératif d'une envie ? Comment pose-t-on ses conditions dans l'élaboration d'un projet professionnel, avec soi-même puis face à ses interlocuteur-rices professionnel-les ?
La coach partenaire Chance Meryem Belqziz nous fait le plaisir de venir partager son point de vue d’experte à ce sujet.
Qu’est-ce qu’un “impératif” personnel ?
“Les impératifs relèvent de besoins vitaux, qui, s’ils ne sont pas satisfaits, nous bloquent pour avancer” Meryem Belqziz
Posons les bases : selon la méthode Chance, un impératif fait partie des 4 piliers indissociables qui constituent un travail. Les impératifs les plus courants peuvent relever de l’argent, des horaires, de la santé, de la famille, de la distance qui nous sépare du travail. Et comme le souligne Meryem, “les impératifs relèvent de besoins vitaux, qui, s’ils ne sont pas satisfaits, nous bloquent pour avancer”.
Et si on peut se dire à première vue qu’ils vont constituer des contraintes à nos rêves, en réalité, insiste Meryem, les impératifs sont d’excellentes bases pour baliser son projet, sachant que le réalisme d’un projet d’entrave pas (bien au contraire, même) son caractère épanouissant !
Quels sont les types d’impératifs non négociables ?
Si l’on reprend la pyramide de Maslow, qui recense nos besoins, on s’aperçoit que les impératifs tels que nous les définissons chez Chance traversent cette pyramide :
- Impératifs horaires et géographiques, de temps passé au travail, de trajets,
- Impératifs de santé (qu’ils nous concernent directement ou quelqu’un de notre entourage que nous devons aider, incluant la question du handicap, de la vieillesse et donc des aidants),
- Impératifs de salaire, qui permettent de subvenir à nos besoins vitaux, mais qui peuvent aussi influer sur notre sentiment d’appartenance. Nous y reviendrons plus en détail dans la suite de l’article.
Globalement, cette pyramide, associée à la méthode des 4 piliers Chance (référence au-dessus) doit pouvoir être étudiée selon nos priorités singulières, afin de bâtir un projet qui soit en réelle adéquation avec nos besoins profonds.
Comment distinguer un besoin personnel d’un impératif non négociable pour son projet professionnel ?
Meryem Belqziz propose un exercice de visualisation.
1- Identifiez un besoin qui n’est pas satisfait aujourd’hui
... et qui pourrait l’être dans votre travail actuel (salaire, télétravail, temps avec ses enfants, etc.).
2- Formalisez le besoin qui en émerge en utilisant la technique “OSBD” de la communication non violente
L'objectif : exprimer ce besoin à votre manager ou à la personne à qui en faire part (et qui pourra résoudre une partie du problème) :
- Observation/Faits : toujours partir des faits
- Sentiments
- Besoin
- Demande
Un point important : la technique de l’OSBD s’utilise à froid, quand on est serein-e, pas sous le coup de l’émotion.
Par exemple, si mon besoin est de dégager du temps pour voir mes enfants davantage :
- Observation/Faits : quand je ne vois pas mes enfants deux jours de suite.
- Sentiments : je me sens moins à l’équilibre, etc.
- Besoin : je me rends compte que j’ai besoin de les voir tous les jours.
- Demande : est-ce que je peux venir au travail plus tôt et partir plus tôt ?
3- Maintenant, imaginez votre manager vous dire qu’il ne veut pas répondre à votre demande même s’il pourrait le faire
Que ressentez-vous ? Frustration, injustice, colère ?
Plus l’émotion ressentie sera grande, et plus ce besoin devra être considéré comme un impératif.
Certes, mais si cette mésaventure advient réellement, que faire ?
Comment négocier ses besoins et impératifs (horaires, salaires, etc.) avec son management ?
Avant de donner votre démission, de sortir hurler de rage, reprenez votre souffle, et continuez à communiquer. Meryem Belqziz suggère de faire de la métacommunication, consistant à communiquer sur la manière dont la communication a eu lieu.
Par exemple : “La dernière fois que nous avons parlé, ça n’a pas été simple. Comment l’as-tu vécu ? Qu’est-ce qui s’est passé pour toi ?”
L’idée : comprendre d’où part sa décision, le contexte qui est le sien. Et voir s’il y a une ouverture permettant le dialogue, ou si au contraire, il y a une fermeture à un besoin très profond chez vous qui peut, potentiellement, signer la fin de la confiance que vous accordez à votre structure. Dans ce cas, il sera nécessaire de partir de vos impératifs, de vos besoins, et potentiellement, de vous faire accompagner pour identifier l’ensemble des points qui vous mèneront à une vie professionnelle plus alignée.
La question du salaire parmi les impératifs non négociables
Le salaire est un impératif essentiel que nous nous devons de placer à part, dans la mesure où la question de l’argent est complexe (si ce n’est tabou), à la croisée de besoins variés.
Il est intéressant d’analyser (sans jugement) ce que veut dire le salaire pour soi : est-ce un vecteur de sentiment d’appartenance ? Quelle notion de la “réussite” couvre le salaire pour vou ? Que veut dire, pour vous, le fait de vivre dans tel quartier plutôt que dans un autre ?
Si l'on part de l’idée qu’“il faut” un salaire X pour pouvoir partir en vacances plusieurs fois par an ou pour vivre dans tel quartier, cela peut aussi valoir le coup (une fois de plus, sans aucun jugement) de regarder quels seraient nos besoins si on était très nourri-e et épanoui-e par son travail.
Par exemple, si je télétravaille davantage, je pourrai vivre dans un lieu plus éloigné de mon travail, et je serai globalement plus reposé-e, ce qui rendra mon besoin de vacances sous les cocotiers moins intense.
Parfois (pas toujours), une légère baisse de niveau de vie peut aussi aller avec une forte hausse de plénitude.
Une réorientation ou reconversion professionnelle est-elle synonyme de perte salariale ?
Tout dépend du projet, et de plusieurs facteurs à prendre en compte :
1- À quel point pouvez-vous capitaliser sur vos expériences passées ?
Tout le monde a des compétences transférables d’un job à un autre, le tout est de s’en apercevoir, puis de savoir le raconter pour se donner de la valeur.
2- Le job vers lequel vous vous orientez est-il demandé ?
Le marché du travail compte : s’il y a une forte demande dans le travail vers lequel vous vous dirigez, évidemment, la valeur salariale sera plus importante et vous serez mieux en mesure de négocier vos revenus.
Comment savoir dans quelle structure nos impératifs personnels seront respectés ?
Comme nous le rappelions, un travail ce sont un métier, un environnement, une finalité et des impératifs. L’environnement de travail est ici important car lui aussi sera à même de répondre à nos impératifs.
Mais dans la mesure où les entreprises ne jouent pas toutes cartes sur table (sur les types d’horaires pratiqués, le caractère inclusif ou pas, le nombre de congés et RTT, et même sur les enveloppes salariales), il est parfois compliqué de savoir où se diriger pour s’épanouir pleinement professionnellement et rester au bon équilibre.
Le mieux reste ainsi de parler avec un maximum de personnes, et de mener l’enquête auprès d’un maximum de personnes (un travail que nos utilisateur-rices doivent faire tout au long du parcours, et que nous aidons grâce à de multiples méthodologies) sans craindre d’exprimer ses peurs :
- Quels sont les avantages et inconvénients de ton job ?
- En matière d’horaires et de qualité de vie au travail, comment se positionne ton secteur ?
- Ce travail, dans cette structure, est-il compatible avec tel et tel impératif ?
- Quel salaire peut-on espérer dans ce domaine ?
- J’ai peur de perdre en statut social : qu’en penses-tu ?
Les impératifs familiaux : la question de la parentalité et de la dépendance
S’il y a bien une chose qui est mouvante, c’est la question des impératifs. Quelle qu’en soit la nature, ils ne sont évidemment pas les mêmes selon qu’on a 20, 30, 40, 50 et 60 ans.
Certains impératifs arrivent soudainement, et sont peu anticipables, soit comme c’est le cas de la parentalité, parce qu’on ne prenait pas la mesure du changement qu’allait entraîner ce nouveau statut, soit, comme c’est le cas des accidents ou des maladies de soi ou de personnes proches (qui font de nous des “aidants”), parce qu’ils interviennent très brusquement.
Or ces questions étant d’ordre “familial” et liées à une forme de “care”, elles sont souvent perçues comme étant l’affaire des femmes et, par conséquent, sont déconsidérées, et peuvent donner lieu à des discriminations. Comment alors poser ces nouveaux impératifs de manière constructive et sans danger pour soi ?
1- Utiliser la communication non violente au service de votre demande d’aménagement du temps de travail
Une fois de plus, Meryem Belqziz rappelle que la technique, présentée plus haut, de la communication non violente (CNV) est très utile pour exposer une problématique de cet ordre, et de réaffirmer, tout en formulant sa demande, sa motivation au travail.
2- Présenter l’enjeu pour la marque employeur de votre entreprise
Les enjeux de qualité de vie au travail sont aussi importants pour votre entreprise et son économie : cela favorise son attractivité, sa capacité à faire de la rétention de talents, et cela peut également faire la différence pour ses investisseurs.
Présenter la capacité de votre employeur à communiquer sur sa politique RH (par exemple en l’encourageant à signer le Parental Challenge, ou autre charte existante, en communiquant plus fréquemment sur LinkedIn à ce sujet, en le mentionnant dans ses annonces d’emploi), peut énormément appuyer votre demande.
3- Et si ça ne répond pas, côté employeur ? Un bilan, un parcours Chance, bref, une préparation pour aller sur un terrain plus ad hoc
Dans ce cas, Meryem souligne que cela peut être le moment de préparer le terrain pour aller ailleurs - par un parcours Chance, une formation, des candidatures, etc. L’intérêt de passer par un bilan comme Chance est aussi de vous sortir d’une déconvenue qui peut, parfois, donner le sentiment qu’il n’y aura jamais d’issue. Or il y en a, et toutes les structures ne sont pas décevantes, loin s’en faut !