L'essentiel à retenir
Vouloir changer de vie professionnelle peut aller avec la peur du jugement d'autrui. Comment s’en protéger ? Fouzia Barnas, coach professionnelle chez Chance, est venue aborder ce point souvent complexe dans un parcours de reconversion ou de réorientation professionnelle.
Le jugement des autres remet en question le soi et le choix
Nous avons tous été confrontés à un changement, et encore plus à la peur de ce changement, et encore davantage à la peur du jugement des autres liée à ce changement. Cette peur nous remet en question sur qui nous sommes (le soi) et la vie que l’on choisit de poursuivre (le choix).
Qu’est-ce qui fait qu’on a peur du jugement des autres ?
Les peurs sont variables : la peur de l'échec, la peur de décevoir, le besoin de conformisme, la peur de surprendre (même en bien), les préjugés.
L’âge, les compétences peuvent susciter ces peurs et les accroître encore, quel que soit le genre des personnes concernées.
Les principales critiques et les jugements les plus courants venant de l’extérieur : “Maintenant, en pleine crise ?”, “Mais tu es fou/folle ?” “Pourquoi tu veux changer, tu as un super job !“ “Tu es sûr-e que c'est le moment de le faire ?”, “C'est un phénomène de mode, votre génération n'est jamais satisfaite,” “Mais ça va déboucher sur quoi ton projet ?” “Il y a des débouchés ?”, “À mon époque, on ne changeait pas de travail tout le temps”, “Tu as réfléchi avec les enfants et la maison ?”
Faire taire la voix de la peur
Quand on se reconvertit, on entend plusieurs voix, notamment la voix de la peur qui constitue à la fois une protection (reconnaissons cela à cette émotion souvent considérée comme uniquement négative) et un frein (ne nous mentons pas, c’est du reste pour cela que vous lisez cet article).
Quelques conseils pour vous protéger de la peur du jugement d’autrui
1. Définissez vos moteurs et votre “étoile du Nord” : plus vous avancez vers la clarté, plus l’horizon se dessine.
Fouzia évoque le parcours du héros : comme Sophie, les héros, face à une douleur, quittent le village (ou le foyer, ou le château, mais le schéma est toujours globalement le même) pour partir à la conquête de sa trajectoire professionnelle et de son accomplissement. Le chemin, dans tous les récits, est le plus important pour aboutir à une fin (qui est, soit dit en passant, toujours un début) heureuse. L’arrachement à son lieu initial est vécu avec difficulté, mais est vite surpassé par la force de la mission que s’est fixée le héros. Connaître sa mission, ce qui vous fait vibrer aussi bien en matière d’actions concrètes qu’en matière de valeurs, est absolument essentiel pour vous mettre en mouvement vers un projet qui vous rendra heureux(se).
Si cette question du sens est si forte, c’est bien que le travail, aujourd’hui, y fait souvent obstacle. Par ailleurs, il est vrai que la manière d’aborder le travail a changé : d’un modèle où on faisait toute sa carrière dans une seule et même entreprise, on est passé à un modèle où le changement est valorisé comme une capacité de rebond, une curiosité, un esprit du défi.
2. Savoir s’entourer, et accepter que l’autre ait sa propre conception
Il y a (grosso modo) deux types de gens : ceux qui soutiennent et admirent et ceux qui ont peur pour vous s'inquiètent démesurément.Chez Chance, on sollicite très tôt l’entourage des talents pour qu’ils fassent des retours et leur donnent des conseils : très fréquemment, les retours sont positifs, mais étonnamment, on est souvent plus disposés à entendre les retours les plus défiants, voire pessimistes. Apprenez à retourner ce réflexe : tenez vraiment compte des retours positifs, qui mettent l’accent sur ce qui vous rend unique. Prenez ce qui est constructif, et laissez ce qui relève du jugement hâtif.
3. Légitimez votre choix, apprenez à le vulgariser
Apprenez à vendre votre changement comme s’il vous était extérieur. Avant cela, réunissez vos arguments, et travaillez-les à mesure que vous parlez de votre projet (c’est très fécond également pour la phase de votre reconversion où vous commencez à faire des entretiens et à activer votre réseau professionnel). Reconnaissez aussi dans votre parcours passé des éléments (notamment ces fameuses compétences qui auraient mis tant de temps et d’argent à être acquise) à garder et à valoriser pour une vie suivante.
4. Apprenez à défendre vos choix
Vous avez besoin de changer et quelqu’un de votre entourage oppose des doutes et rabaisse votre élan ? Faites respecter votre choix en acceptant que cela prenne du temps, que, selon le joli mot de Fouzia, les visions se séparent mais que les cœurs, eux, peuvent rester ensemble. Le philosophe Arthur Schopenhauer écrivait : “Toute vérité passe par trois stades : en premier lieu on la ridiculise ; en deuxième lieu on s'y oppose violemment ; enfin on l'accepte comme si elle allait de soi.” La patience doit prédominer face au sentiment (parfois même tragique) de ne pas avoir été compris-e dans la profondeur de son besoin. En parlant, vous plantez des graines, et n’êtes pas face à un mur de béton.
Tout cela peut vous sembler injuste : c’est vous qui avez besoin de soutien ! La différence entre vous et la personne en face, c’est que vous avez déjà cheminé, et que vous savez que partir d’une voie professionnelle ne vient pas avec un besoin de tout changer : la personne en face a sans doute peur de cela. Appuyez-vous aussi sur les doutes d’autrui pour muscler votre capacité à défendre, avec assertivité et finesse, votre projet.
Face à des personnes qui se montrent réfractaires, il est toujours utile de se mettre en mode spectateur en se disant : "Mais quel besoin n'est pas comblé chez lui/elle ?" Cela permet d'être moins touché-e par ses paroles. Pour faire respecter vos choix, demandez à ce que le conseil (souvent non sollicité) soit précisé. Exprimez votre besoin de traverser votre propre expérience pour vous faire votre propre jugement, et d’être accompagné-e avec bienveillance par les gens qui comptent pour vous.